La production de justificatifs est cantonnée aux critères de sélection

Axel Glock | | 7 mars 2018
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Un acheteur n’a pas à exiger des candidats les justificatifs d’une caractéristique technique non constitutive d’un critère de sélection des offres.

En l’espèce, la métropole Nice Côte d’Azur avait lancé une procédure de passation d’un marché public ayant pour objet l’exécution de services de transport public scolaire sur son territoire.

Au terme de la procédure, la décision d’attribution de la commission d’appel d’offres de la métropole avait fait l’objet d’un référé précontractuel initié par un candidat évincé (article L.551-1 du code de justice administrative).

En première instance, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice avait estimé que la métropole avait effectivement manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en n’ayant, notamment, pas exigé des soumissionnaires qu’ils produisent des justificatifs quant à l’âge des véhicules utilisés pour l’exécution du marché.

La métropole avait, dès lors, formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat qui a annulé cette ordonnance le 5 février 2018.

La Haute assemblée a confirmé sa jurisprudence selon laquelle, lorsqu’un acheteur public fait d’une « caractéristique technique déterminée » un critère ou un sous-critère d’attribution du marché énoncé dans le règlement de la consultation, il se doit d’exiger des soumissionnaires « la production de justificatifs lui permettant de vérifier l’exactitude des informations données par les candidats » (CE, 7e – 2e SSR, 9 nov. 2015, Sociétés Les Autocars Roger Ceccaldi, n° 392785).

Néanmoins, cette obligation ne tient pas lorsque, justement, le pouvoir adjudicateur n’a pas entendu faire d’une caractéristique technique un critère de sélection des offres. Or, dans le cas d’espèce, la métropole n’avait pas fait de « l’âge des véhicules » proposés par les candidats un critère d’évaluation de leur offre, en dépit du fait même qu’ils étaient tenus d’indiquer cette information dans l’offre, c’est pourquoi le juge des référés du Tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

Puis, réglant l’affaire au fond (article L.821-2 du code de justice administrative), le Conseil d’Etat a considéré que la métropole n’avait commis aucun manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui lui incombent en jugeant, notamment, que :

  • Il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de vérifier que l’exécution d’un contrat de la commande publique entre dans le champ de l’objet social d’une personne morale de droit privé s’étant portée candidate à son attribution (CE, 7e – 2e ch. réunies, 4 mai 2016, n°396590) ;
  • Un pouvoir adjudicateur n’est tenu de rejeter une offre comme étant anormalement basse uniquement si « les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché » (CE, 7e et 2e SSR, 29 mai 2013, Min. de l’Intérieur c. Sté Artéis, n°366606) ;
  • La commission d’appel d’offres avait pu, sans méconnaître ses obligations, rectifier d’office « une erreur de plume dans le calcul du prix final proposé par la société attributaire »;
  • La métropole n’avait, certes, pas répondu à la demande d’informations complémentaires du candidat évincé tendant à ce que lui soient communiquées les caractéristiques de l’offre retenue (article 99 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016), toutefois elle a « apporté suffisamment d’éléments de nature à répondre à cette demande » au travers de ses écritures dans le cadre de la présente instance.

CE, 7e- 2e ch. réunies, 5 fév. 2018, Métropole Nice Côte d’Azur, n°414508