Précisions sur le calcul du report des délais pendant la période d’urgence sanitaire

Axel Glock | | 27 avril 2020
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L’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 a modifié l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 en matière de calcul du report des délais.

Cette nouvelle ordonnance a été précisée par une circulaire du 17 avril 2020.

Le texte précise d’abord les matières exclues du champ d’application des mesures relatives à la prorogation des délais échus (demandes d’attribution de logements CROUS notamment). Il exclut, par ailleurs, les délais de réflexion, de rétractation et de renonciation du mécanisme de report du terme ou de l’échéance..

Surtout, cette nouvelle ordonnance a modifié l’article 44 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relatif aux astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance, sanctionnant l’inexécution d’une obligation.

Ainsi, l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 a été modifié et complété de la sorte :

« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er.

Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.

La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l’article 1er, est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période.

Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er ».

Pour mémoire, la loi d’urgence relative au Covid 19 a défini une période d’état d’urgence sanitaire, censée s’achever le 24 mai 2020 à 0 heure, et une période juridiquement protégée, qui doit s’achever un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit en principe le 23 juin 2020 à minuit, sachant que ces dates sont encore provisoires, et qu’une loi est en préparation pour une prolongation de l’état d’urgence sanitaire à la mi-juillet.

Les modifications apportées à l’article 4 distinguent selon que les clauses et astreintes sanctionnent l’inexécution d’une obligation échue pendant ou après la période juridiquement protégée.

Il en ressort que :

  • L’alinéa 2, relatif à l’astreinte ou la clause qui devait produire ses effets pendant la période juridiquement protégée, adopte un calcul plus précis du report du délai.

En effet, l’ordonnance du 25 mars 2020 avait prévu un report « forfaitaire » d’un mois après la fin de la période juridiquement protégée, soit « fin de l’état d’urgence au 24 mai + 1 mois + 1 mois ».

La durée du report, avec pour point de départ le 24 juin 2020, est désormais égale au temps écoulé :

  • soit entre le 12 mars 2020, si l’obligation est née avant, et la date à laquelle l’obligation aurait dû être exécutée ;
  • soit entre la date de naissance de l’obligation, si elle est postérieure au 12 mars 2020, et la date où l’obligation aurait dû être exécutée.

La circulaire du 17 avril 2020 fournit des exemples utiles à la compréhension de ce mécanisme de calcul, dont on peut citer le suivant :

« Un contrat conclu le 1er février 2020 devait être exécuté le 20 mars 2020, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date. Le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue.

En vertu du dispositif mis en place par l’ordonnance, les effets de la clause seront reportés d’une durée égale au temps écoulé entre le 12 et le 20 mars, ce report courant à compter de la fin de la période juridiquement protégée. Ainsi si la période juridiquement protégée prenait fin le 24 juin, la clause résolutoire prendrait effet le 3 juillet (fin de la période juridiquement protégée + 8 jours). »

Ainsi, le nouveau dispositif calque désormais la durée du report à appliquer après le 24 juin 2020, au temps écoulé entre le 12 mars, ou la naissance de l’obligation, et la date d’échéance de l’obligation.

  • L’alinéa 3, relatif à l’astreinte ou la clause qui devait produire ses effets après la période juridiquement protégée, adopte le principe d’un report de la date d’effet, pour une durée qui correspond  au temps  écoulé pendant la période juridiquement protégée.

Dans cette hypothèse, la durée du report, avec pour point de départ la date à laquelle les astreintes et clauses auraient dû prendre cours ou produire effet en vertu des stipulations contractuelles, est désormais égale au temps écoulé :

  • soit entre le 12 mars et le 24 juin 2020, si l’obligation est née avant le 12 mars 2020 ;
  • soit entre la date de naissance de l’obligation et le 24 juin 2020, si l’obligation est postérieurement au 12 mars 2020.

Par suite, si l’obligation est née avant le 12 mars 2020, et devait être exécutée à une date postérieure à la fin de la période protégée, le report des effets de la clause sanctionnant l’inexécution sera égale à la durée totale de la période juridiquement protégée, soit à ce jour, 3 mois et 12 jours.

La circulaire du 17 avril 2020 fournit ici l’exemple suivant :

« Un contrat conclu le 1er février 2020 devait être exécuté le 1er juillet 2020, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date. Le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue.

En vertu du dispositif mis en place par la présente ordonnance, les effets de la clause résolutoire seront reportés d’une durée égale à celle de la période juridiquement protégée, ce report courant à compter du 1er juillet 2020. Ainsi si la période juridiquement protégée devait prendre fin le 24 juin, le report serait de 3 mois et 12 jours ; la clause résolutoire prendrait donc effet le 13 octobre 2020. »

Enfin, pour mémoire, l’alinéa 4 de l’article 4, non modifié par la récente ordonnance, prévoit la suspension des effets des astreintes et de l’application des clauses pénales qui ont commencé à produire leurs effets avant le 12 mars 2020, pendant la période juridiquement protégée. Leur cours pourra ainsi reprendre à compter du 24 juin 2020.