L’occupation sans titre du domaine public constitue une faute de l’occupant ouvrant au gestionnaire de la dépendance occupée un droit à réparation dont le principe même ne saurait être remis en cause (CE, 15 avril 2011, SNCF, req. n° 308014)

Axel Glock | | 11 mai 2011
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Souhaitant obtenir réparation du préjudice résultant de l’occupation illégale, par France Télécom, du domaine public ferroviaire de 1991 à 1996 à raison de la présence, sur l’emprise de ce domaine, de câbles de télécommunication, la SNCF a saisi le juge administratif d’une requête indemnitaire.

La Cour administrative d’appel de Paris, confirmant un jugement du Tribunal administratif de Paris, a rejeté la demande de l’établissement public au motif que celui-ci ne pouvait être regardé comme ayant subi un dommage du fait de l’absence de perception de redevances d’occupation dès lors qu’il n’avait pas institué de telles redevances et que celles-ci n’étaient prévues par aucune disposition avant l’intervention de la loi du 26 juillet 1996.

Le Conseil d’Etat, par l’arrêt commenté, censure l’appréciation des juges du fond pour erreur de droit.

Après avoir relevé que les dispositions du code des postes et télécommunications et de la loi du 2 juillet 1990 créant l’exploitant public France Télécom n’avaient eu ni pour objet ni pour effet de transférer à France Télécom le droit d’occuper sans autorisation et au surplus à titre gratuit le domaine public ferroviaire et en avoir déduit que France Télécom ne pouvait occuper régulièrement les dépendances du domaine public ferroviaire sans y être autorisé par son gestionnaire, la SNCF, la Haute Juridiction, constatant que la SNCF ne lui avait délivré aucun titre d’occupation, retient, à la charge de France Télécom, une faute de nature à engager sa responsabilité.

Les juges du Palais Royal considèrent, contrairement à la cour d’appel, que si la SNCF a toléré la présence de France Télécom sur son domaine, qu’elle lui a appliqué la convention pour l’établissement, l’entretien et l’exploitation des lignes de télécommunications et a conclu, avec elle, une convention-cadre relative à la mise à disposition réciproque de fibres optiques en emprise ferroviaire, ces circonstances ne sauraient être regardées comme ayant conféré un titre à l’exploitant public qui doit dès lors être qualifié d’occupant sans titre du domaine public ayant causé un dommage au gestionnaire des dépendances occupées.

Rappelant les termes de l’article L. 28 du code du domaine de l’Etat selon lesquels « Nul ne peut, sans autorisation délivrée par l’autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public national ou l’utiliser dans des limites excédent le droit d’usage qui appartient à tous » le Conseil d’Etat estime « que l’occupation sans droit ni titre d’une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l’occupant et qui l’oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière ; que, si l’autorité gestionnaire du domaine public n’a pas mis en demeure l’occupant irrégulier de quitter les lieux, ne l’a pas invité à régulariser sa situation ou a entretenu à son égard une ambiguïté sur la régularité de sa situation, ces circonstances sont de nature, le cas échéant, à constituer une cause exonératoire de la responsabilité de l’occupant, dans la mesure où ce comportement du gestionnaire serait constitutif d’une faute, mais elles ne sauraient faire obstacle, dans son principe, au droit du gestionnaire du domaine public à la réparation du dommage résultant de cette occupation irrégulière ».

Ainsi, l’occupation sans titre du domaine public constitue une faute de l’occupant ouvrant au gestionnaire de la dépendance occupée un droit à réparation, et ce en toutes circonstances.

Si, selon cette décision, le principe même du droit à réparation du gestionnaire du domaine ne saurait être remis en cause, le comportement de ce dernier est en revanche susceptible d’exonérer l’occupant de sa responsabilité, à condition toutefois qu’il soit constitutif d’une faute.

Notons que la Haute juridiction ne se prononce pas ici sur le fond du litige dont il renvoie l’examen à la Cour administrative d’appel de Paris à qui il appartiendra dès lors de déterminer si le comportement de la SNCF a, en l’espèce, constitué une faute de nature à exonérer France Télécom de tout ou partie de sa responsabilité.    

CE, 15 avril 2011, SNCF, req. n° 308014