L’exigibilité des loyers pendant les périodes de fermeture administrative des commerces : étude des jurisprudences Covid 19 récentes

Axel Glock | | 7 mai 2021
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Les mesures de fermeture administrative liées au contexte économique et sanitaire actuel donnent toujours lieu à un grand nombre de décisions rendues par les juridictions de premier et second degré en matière d’impayés locatifs en matière de baux commerciaux.

En effet, alors que la réglementation a maintenu l’exigibilité des loyers pendant les périodes de fermeture administrative des commerces, les preneurs invoquent, selon les espèces, le défaut de jouissance et de délivrance des locaux, la force majeure, l’absence de bonne foi du bailleur, afin de se soustraire à leur obligation de paiement des loyers.

La question à trancher demeure toujours celle de savoir si les règles imposées par la Covid-19 justifient la suspension du paiement des loyers commerciaux.

La position des juridictions, bien qu’elle n’est toujours pas unifiée, semble suivre majoritairement le principe de l’oblogation au paiement.

Tribunal judiciaire de Paris, 25 février 2021, n° 18/02353 : cette décision adopte une position très tranchée sur l’exigibilité des loyers commerciaux pendant les périodes de fermeture des magasins de vente dues à l’épidémie de Covid 19, dans une espèce portant sur sur le renouvellement d’un bail commercial et la fixation d’une indemnité d’éviction et d’occupation.

En effet, le preneur sollicitait la restitution des loyers payés pour la période du 15 mars au 11 mai 2020 en invoquant l’exception d’inexécution du loyer, au motif que le bailleur n’avait pas respecté son obligation essentielle de délvrance des locaux et de jouissance paisible au sens de l’article 1719 du Code civil.

 Or, le Tribunal a rejeté intégralement la demande du preneur en considérant :

Le Tribunal judiciaire de Paris affirme ainsi que le bailleur n’est pas tenu de garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif dans lequel s’exerce son activité, condamnant ainsi le preneur à payer le prix du bail aux termes convenus.

Cour d’appel Riom, 2 mars 2021, n° 20/01418 : cette espèce a été portée devant la Cour d’appel de Riom à la suite de l’appel d’un locataire de la décision constatant l’acquisition de la clause résolutoire stipulée à son bail commercial et le condamnant au paiement des loyers. Il opposait en effet le défaut de délivrance de son bailleur, en ce que l’exploitation du local n’avait pas été possible durant la période d’avril et mai 2020.

La Cour a confirmé la décision dont appel en considérant que l’impossibilité d’exploiter, bien qu’avérée, n’était pas imputable au bailleur, qui n’avait commis aucun manquement.

Elle a néanmoins fait appel au devoir de bonne foi dans l’exécution des contrats et s’est rapporté aux dispositions des articles 1103 et 1104 nouveaux du code civil pour rappeler que « les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives ».

Tribunal judiciaire de La Rochelle, 23 mars 2021, n° 20/02428 : en se fondant sur les dispositions de l’article 1722 du code civil, le Tribunal statuant au fond a considéré que le preneur ne devait payer aucun loyer sur la période du 6 mars au 11 mai 2020 en retenant la perte de la chose louée du fait des fermetures gouvernementales pendant ces mois.

Cour d’appel de Paris, pôle 1, ch. 2, 18 mars 2021, n° 20/13262 : statuant en référé dans cet arrêt rendu le 18 mars 2021, la 2ème chambre du Pôle 1 de la Cour d’appel de Paris a retenu que les loyers sont dus par le preneur pendant les périodes de fermeture administrative liée au Covid-19, constatant l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail, et décidant qu’il n’y a pas de contestation sérieuse sur l’exigibilité des loyers du fait qu’ « aucun manquement lié à la période de confinement n’est établi à l’encontre de la société (propriétaire) » sur le fondement de l’article 1219 du Code civil.

Cour d’appel de Lyon, référé, ch. 8, 31 mars 2021, n° 20/05237 : dans cette espèce, le preneur exploitait un restaurant et soulevait l’existance de contestations sérieuses pour justifier le non paiement des loyers pendant la période de fermeture de son local.

La Cour d’appel a confirmé la décision rendue par le Président du Tribunal judiciaire de Lyon, en retenant que le règlement des arriérés de loyers par le preneur ne se heurtait à aucune contestation sérieuse, seule la demande de règlement des provisions afférentes se heurtait à une contestation sérieuse et relevait du pouvoir du juge du fond.

Cette décision est également intéressante en ce que le Juge des référés de la juridiction lyonnaise a répondu à l’ensemble des moyens soulevés par le preneur, tentant de se fonder sur la force majeure, sur la perte des locaux loués, sur la mauvaise foi du bailleur, sur la disparition de la cause et le défaut de délivrance, pour se soustaire à ses obligations contractuelles.

L’étude de ces décisions révèle qu’une analyse précise de chaque espèce est nécessaire puisque les faits d’espèce, les pièces justifiant les difficultés financières, ainsi que les stipulations contractuelles sont appréciées pour statuer sur chacune des demandes formulées.