La réforme du droit des contrats … droit de suite !

Axel Glock | | 3 mai 2018
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La réforme par ordonnance du droit des obligations de 2016 a longtemps attendu sa loi de ratification. Le projet de loi ne comportait initialement qu’un article unique, ratifiant purement et simplement l’ordonnance du 10 février 2016. Finalement, la loi adoptée le 20 avril 2018 a été étoffée pour préciser et modifier certains éléments de la réforme initiale. Revue des principales évolutions à retenir.

Relevons d’abord que la loi de ratification entrera en vigueur le 1er octobre 2018.

Ensuite, d’une manière générale, les modifications apportées au texte de l’ordonnance de 2016 l’ont été dans un souci de clarification et non pour remettre en cause en profondeur les principes arrêtés. Le juriste qui s’est saisi de la réforme depuis 2016, en sait gré au législateur.

C’est au demeurant ce que précise l’article final de la loi (article 16) en indiquant que « Les modifications apportées par la présente loi aux articles 1112,1143,1165,1216-3,1217,1221,1304-4,1305-5,1327-1,1328-1,1347-6 et 1352-4 du code civil ont un caractère interprétatif. »

Cela signifie que les principes issus de l’ordonnance du 10 février 2016 ne sont pas bouleversés et que les modifications apportées viennent simplement éclairer certaines dispositions.

Il y a toutefois des exceptions notables et notamment les articles 1110 et 1145 du code civil (cf infra).

Pour ces exceptions, il faudra être vigilant. On doit en effet considérer qu’il existe, pour les textes concernés, un « nouvel » état du droit applicable, limité à la période située entre le 1er octobre 2016 (date de l’entrée en vigueur de la réforme) et le 1er octobre 2018 (date d’entrée en vigueur de la loi de ratification).

Pour le reste, on peut considérer que seules deux périodes demeurent : la période antérieure au 1er octobre 2016 (les contrats conclus avant cette date restant soumis à l’ancien code civil) et la période postérieure au 1er octobre 2016 (les contrats conclus après cette date étant soumis à la loi nouvelle).

Dans le détail, les points saillants de la loi du 20 avril 2018 sont les suivants :

1/ La définition du contrat d’adhésion (article 1110 du code civil) est élargie dans la mesure où elle ne fait plus référence seulement aux « conditions générales » soustraites à la négociation, mais à « un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ».

Par suite, tout ensemble de clauses, proposé à la signature sans pouvoir être discuté, relèvera du régime du contrat d’adhésion.

2/ S’agissant du principe d’indemnisation en cas de rupture fautive des pourparlers, la rédaction initiale excluait la réparation du gain manqué à raison du contrat non conclu.

Mais demeurait la question de savoir si la perte de chance pouvait être invoquée au titre de l’indemnisation de la faute dans la période précontractuelle. Le législateur a tranché et a exclu expressément cette option (article 1112).

3/ L’article 1137 relatif au dol apporte une simple précision : le dol ne porte pas sur la non-révélation de l’estimation personnelle, par une partie, de la valeur de la prestation ; la solution est classique et la précision cohérente.

4/ L’article 1143 qui a créé le nouveau vice du consentement de violence économique, précise désormais que le lien de dépendance – dont abuse la partie qui se rend coupable de violence économique – s’apprécie de manière relative, c’est-à-dire en considérant une partie « à l’égard » de l’autre.

Le lien de dépendance ne peut donc pas être invoqué, par exemple, au regard de l’état du marché ou de la concurrence.

5/ Au chapitre de la capacité des personnes morales, la référence à la notion « d’utilité » nous avait laissés pour le moins perplexes (article 1145).

L’ordonnance prévoyait en effet que les actes accomplis par une personne morale devaient être « utiles » à la réalisation de son objet social (tel que défini par ses statuts), mais sans préciser ce qu’il fallait entendre par « utile » !

La loi du 20 avril 2018 a purement et simplement supprimé cette exigence, en retenant une formule beaucoup plus lapidaire : « La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles. »

L’on se situe ici très clairement au-delà d’une simple interprétation du texte initial.

Mais la suppression est bienvenue tant la notion « d’utilité » paraissait source d’incertitudes et d’un possible contentieux nourri (l’acte « inutile » au sens de l’ancien article 1145 encourait en effet la nullité).

6/ Opportun lobbying des banques ? Le mécanisme légal de révision pour imprévision, création de l’ordonnance de 2016 (article 1195) remettant en cause l’arrêt « Canal de Craponne » de 1876, est aujourd’hui expressément écarté par le code monétaire et financier pour « les opérations sur titres et contrats financiers »… Les risques boursiers resteront donc un aléa !

7/ Plusieurs clarifications ont également été apportées aux mécanismes de sanction en cas d’inexécution contractuelle ou de mauvaise exécution contractuelle, mais les principes issus de l’ordonnance ne sont pas remis en cause (articles 1217 et suivants).

Retenons que le mécanisme de réduction unilatérale du prix a été utilement précisé (article 1223).

8/ S’agissant de la circulation des obligations, l’article 1327, à l’instar de la cession de créance, exige désormais – à peine de nullité – un écrit pour la cession de dette.


Le praticien veillera donc, en particulier jusqu’au 1er octobre 2018, à bien vérifier si les articles du code civil qui lui sont soumis ont fait l’objet de modifications par rapport à leur version du 10 février 2016.

Ce sont en effet plus de 20 articles du code civil qui sont concernés et, de manière plus marginale, quelques articles du code monétaire et financier.

Voici une loi de ratification qui démontre encore, si besoin était, que le droit est une matière bien vivante !