Convention de forfait en jours : garantir le droit au repos

Axel Glock | | 26 mai 2014
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Le forfait-jours retient une nouvelle fois l’attention avec la nullité de la convention de forfait jours prévue par la convention collective nationale des cabinets d’experts comptables et des commissaires aux comptes.

Deux arrêts de la chambre sociale du 14 mai 2014 (pourvoi n°13-10.637 et 12-35.033), renforcent une jurisprudence bien établie sur le respect du droit au repos, les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des salariés au forfait jours.

Le recours à des conventions de forfait en jours est subordonné à la conclusion préalable d’un accord collectif d’entreprise ou un accord de branche, en application de l’article L.3121-39 du code du travail.

Les stipulations conventionnelles doivent garantir le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (Cass. Soc. 29 juin 2011).

Les conventions doivent en prévoir les principales caractéristiques, et non simplement renvoyer les modalités de mise en place à une négociation individuelle avec le salarié concerné (Cass. soc. 31 janv. 2012 n°10-19.807).

Par ailleurs, le nombre de jours travaillés doit être expressément prévu dans la convention de forfaits jours (Cass. Soc. 12 mars 2014 n°12-29.141).

Dans ces deux arrêts du 14 mai 2014, les dispositions conventionnelles « ne sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.»

Pourtant, chaque salarié devait remplir chaque mois un formulaire daté et signé par lui, afin de faire apparaître les journées et demi-journées travaillées, préciser celles où le salarié a été absent avec le motif de ces absences.

Mais la convention collective prévoyait que les obligations de respecter les durées maximales de travail journalier ou hebdomadaire étaient une obligation réciproque et que le salarié devait justifier le dépassement exceptionnel, en raison de l’autonomie de son poste.

Ainsi, l’article 8.1.2.5 de la convention collective nationale des cabinets d’experts comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, prévoit:

  • « que la charge de travail confiée ne peut obliger le cadre à excéder une limite de durée quotidienne de travail effectif fixée à 10 heures et une limite de durée hebdomadaire de travail effectif fixée à 48 heures et que le dépassement doit être exceptionnel et justifié par le cadre »,
  • « qu’est laissé à l’employeur le soin de prendre les mesures pour assurer le respect des repos quotidiens et hebdomadaires »
  • « que le cadre disposant d’une grande liberté dans la conduite ou l’organisation des missions correspondant à sa fonction et dans la détermination du moment de son travail, le cadre et l’employeur examinent ensemble, afin d’y remédier, les situations dans lesquelles ces dispositions prises par l’employeur pour assurer le respect des repos journaliers et hebdomadaires n’ont pu être respectées »

Ces dispositions, en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de cassation, rendent la convention de forfait jours nulle.

Par conséquent, en l’absence d’accord collectif d’entreprise corrigeant les dispositions conventionnelles de la branche déclarées nulles, le salarié est donc en droit de demander le paiement de ses heures supplémentaires en application du délai de prescription triennale (article L.3245-1 du code du travail).

En l’espèce, nous conseillons aux experts comptables de négocier un accord d’entreprise en conformité avec les exigences légales et jurisprudentielles.

La Haute juridiction ne précise pas les critères in concreto permettant de garantir la validité d’une convention de forfait en jours.

En toute logique, il faudrait garantir le repos minimum de 11 heures entre deux journées de travail et une durée minimale de 35 heures de repos hebdomadaires.

Or, l’organisation du temps de travail des salariés, au forfait jours, ne se prête pas toujours pour ces décomptes.

Et, à ce jour, la Haute juridiction ne l’a pas encore explicitement jugé.

Préconisation pratique :

Nous vous recommandons de consulter votre accord de branche. Si la protection des salariés en forfait jours n’est pas assurée par ce dernier, à la lecture de la jurisprudence de la Cour de cassation, cette lacune peut être corrigée par un accord d’entreprise.

Ainsi, en l’état de la jurisprudence, l’employeur doit, en application d’une convention de forfait en jours, prévoir de :

  • Etablir un document de contrôle sur lequel apparaît : le nombre et la date des journées travaillées ; le motif des jours d’absence (repos hebdomadaires, jours de congés payés, jours RTT)
  • Faire compléter ce document par le salarié sous la responsabilité de l’employeur
  • Demander au supérieur hiérarchique d’assurer le suivi régulier de l’organisation et de la charge de travail du salarié au forfait jours
  • Accorder un entretien annuel entre le salarié et la supérieur hiérarchique pour faire un point sur l’organisation et la charge de travail ainsi que l’amplitude des journées de travail.

Les obligations, de faire respecter les temps de repos journalier et hebdomadaire, reposent sur l’employeur et non sur le salarié quand bien même il dispose d’une grande autonomie dans l’organisation de son travail. Il en est de même pour l’organisation des entretiens avec le supérieur hiérarchique.

Nous vous préconisons également de prévoir un système permettant de décompter les heures travaillées ainsi que le contrôle de l’utilisation de la messagerie électronique sur les temps de repos.

 

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Cour_de_cassation_civile_Chambre_sociale_14_mai_2014_13-10.637_Inédit

et

Cour_de_cassation_civile_Chambre_sociale_14_mai_2014_12-35.033_Publié_au_bulletin