Attention aux nouvelles conditions de recevabilité de la demande en suspension de l’exécution provisoire : la vigilance s’impose dès la première instance !

Axel Glock | | 31 août 2020
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Depuis le 1er janvier 2020, le nouvel article 514-3 du Code de procédure civile, crée par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, a modifié les conditions d’arrêt de l’exécution provisoire, et durci ses conditions de recevabilité.

Dans une espèce dans laquelle une trentaine de famille de squatteurs occupaient illicitement l’ancien commissariat de police du 2ème arrondissement de Paris, le Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Paris a constaté leur qualité d’occupants sans droit ni titre et ordonné leur expulsion par décision du 30 juin 2020.

Cette décision a fait l’objet d’un appel, puis l’ensemble des occupants a saisi le Premier Président de la Cour d’appel de Paris aux fins d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire attachée de plein droit à l’ordonnance de référé.

Mais c’était oublier que les nouvelles conditions de redevabilité de la demande de suspension de l’exécution provisoire, édictées par l’article 514-3 du Code de procédure civile, s’appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er  janvier 2020, ce qui était le cas en l’espèce.

Or, le nouvel article 514-3 du Code de procédure civil prévoit :

« En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d’opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d’office ou à la demande d’une partie, arrêter l’exécution provisoire de droit lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »

Ainsi, lorsque le demandeur à l’arrêt de l’exécution provisoire n’a pas fait d’observations devant le premier juge, qui a rendu la décision assortie de l’exécution provisoire, il doit démontrer l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et le fait que l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

La décision rendue le 31 juillet 2020 par le Premier Président de la Cour d’appel de Paris est éclairante sur l’application stricte de ces nouvelles conditions de recevabilité plus sévères, puisqu’elle a retenu que :

  • Les dispositions et conditions précitées s’appliquent sans distinction selon la nature de l’exécution provisoire, ni selon le pouvoir dont dispose le juge de l’écarter ou non.
  • Ces diligences ne sont pas inutiles mais nécessaires et exigées par le nouveau texte. C’est dire que peu importe les chances de succès des observations formulées en première instance sur l’exécution provisoire, elles sont nécessaires à la recevabilité des demandes devant le Premier Président et à l’application des conditions « simples ».

S’agissant de la démonstration de l’existence de conséquences manifestement excessives induites par l’exécution provisoires et révélées postérieurement à la décision de première instance, le Premier Président de la Cour d’appel de Paris a tout d’abord rappelé la jurisprudence constante selon laquelle l’expulsion ne constitue pas, en elle-même, une conséquence manifestement excessive.

Il a également tranché la question de savoir si la situation sanitaire actuelle, liée à l’épidémie de Covid 19, et la potentielle survenance d’un rebond épidémique, pouvait constituer un risque de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à l’ordonnance de première instance.

En effet, il a retenu que la situation sanitaire relative au Covid 19 préexistait à l’ordonnance rendue et était par nature évolutive, les demandeurs ne précisant pas en quoi un prétendu rebond épidémique en Ile-de-France aurait atteint un niveau tel que l’expulsion serait de nature à engendrer un risque d’entrainer pour eux des conséquences manifestement excessives.

Ainsi, l’application stricte des nouvelles conditions de recevabilité de la demande de suspension de l’exécution provisoire est appliquée à la lettre par le Premier Président de la Cour d’appel de Paris, et la crise sanitaire du Covid 19 ne permet pas à elle seule de justifier de l’existence de conséquences manifestement excessives liées à une expulsion.

Ordonnance du 1er président du 31 juillet 2020 ->