Licenciement d’un policier municipal suite à son retrait d’agrément

Axel Glock | | 29 juillet 2020
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Par un jugement n°1813597 du 2 juillet 2020, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rappelé que l’agent de police municipale dont l’agrément a été retiré ne bénéficie d’aucun droit à être reclassé, au titre des dispositions de l’article L.412-49 du code des communes. Le maire peut donc toujours prononcer le licenciement de l’agent en raison de la perte de cette qualité indispensable à l’exercice des fonctions et ce, d’autant quand l’intérêt du service s’oppose au reclassement.

Pour rappel, en effet, les policiers municipaux sont agréés conformément à l’article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, par le préfet ou le procureur de la République :

« Ils sont nommés par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale, agréés par le représentant de l’Etat dans le département et le procureur de la République, puis assermentés. Cet agrément et cette assermentation restent valables tant qu’ils continuent d’exercer des fonctions d’agents de police municipale. » 

Toutefois, l’agrément obtenu par l’agent de police municipale peut faire l’objet d’un retrait par le Préfet ou le Procureur de la République comme le disposent les articles L. 412-49 du code des communes, ainsi que l’article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure.

L’article L. 412-49 du code des communes dispose ainsi que :

« L’agrément peut être retiré ou suspendu par le représentant de l’Etat ou le procureur de la République après consultation du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale. »

L’article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure dispose que :

« L‘agrément peut être retiré ou suspendu par le représentant de l’Etat ou le procureur de la République après consultation du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale. Toutefois, en cas d’urgence, l’agrément peut être suspendu par le procureur de la République sans qu’il soit procédé à cette consultation. »

Suite au retrait de son agrément, le policier municipal ne peut plus exercer les fonctions de policier municipal, puisque ces fonctions « ne peuvent être exercées que dans le cadre d’un agrément » (cf. CAA Bordeaux, 28 juin 2019, n°17BX03028) et que « le retrait de l’agrément par le représentant de l’État dans le département ou le Procureur de la République à un agent de police municipale fait obstacle à ce que celui-ci continue d’exercer les fonctions d’agent de police municipale » (cf. CAA Nancy, 12 novembre 2015, n°14NC01303).

Ainsi, l’agent ne disposant plus de la condition requise pour l’exercice de ses fonctions de policier municipal, le maire est tenu, par conséquent, de mettre fin aux fonctions de l’agent et de prononcer sa radiation des cadres sans qu’il soit besoin de rechercher une insuffisance professionnelle ou l’existence d’une faute disciplinaire.

L’autorité territoriale a toutefois la possibilité de proposer un reclassement à l’agent, en application du troisième alinéa de l’article L. 412-49 du code des communes :

« Le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale peut alors proposer un reclassement dans un autre cadre d’emplois dans les mêmes conditions que celles prévues à la section 3 du chapitre VI de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, à l’exception de celles mentionnées au second alinéa de l’article 81. ».

Mais il est constant que le reclassement ne constitue pas une obligation pour l’autorité territoriale, mais une simple faculté :

«Ces dispositions accordent au maire la faculté de rechercher les possibilités de reclassement dans un autre cadre d’emplois de l’agent de police municipale dont l’agrément a été retiré ou suspendu et qui n’a fait l’objet ni d’une mesure disciplinaire d’éviction du service ni d’un licenciement pour insuffisance professionnelle ; qu’elles n’instituent pas au bénéfice des agents de police municipale un droit à être reclassés » (cf. CE, 19 octobre 2012, n°360790 ; CAA Marseille, 17 juillet 2015, n°14MA02705 ; CAA Nancy, 12 novembre 2015, n°14NC01303).

Dans une jurisprudence antérieure, la Cour administrative d’appel de Marseille avait pu, néanmoins, considérer qu’il appartenait à l’autorité administrative de « justifier que l’intérêt général ou l’intérêt du service s’opposent à ce reclassement » (cf. CAA Marseille, 6 mai 2014, n°13MA02535).

Une réponse ministérielle a confirmé cet état du droit : « en cas de retrait ou de suspension, le maire peut proposer un reclassement dans un autre cadre d’emplois. Il s’agit d’une possibilité et non d’un droit (Conseil d’Etat n°360790, 19 octobre 2012) ». (cf. Question écrite n°4028 de M. Éric Ciotti (Les Républicains – Alpes-Maritimes) publiée au JP le : 19/12/2017, suivie de la réponse du Ministère de l’intérieur, publiée au JO le 17/04/2018).

A noter, qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit de spécificités procédurales applicables au licenciement pour perte d’agrément. Mais, « s’agissant d’une mesure prise en considération de la personne, l’agent doit toutefois avoir la possibilité de consulter son dossier et de présenter ses observations » (cf. Question écrite n°4028 de M. Eric Ciotti)

En l’espèce, le procureur de la République avait retiré l’agrément du policier municipal compte tenu de sa mise en examen pour les chefs de tentative de viol à caractère incestueux sur une mineure de moins de quinze ans, de commission ou de tentative de d’attouchement sexuels à caractère incestueux sur une mineure de moins de quinze ans et, de détention ou transmission de photographies et vidéos à caractère pédopornographiques.

Prenant acte de ce retrait et de ce que l’agent ne disposait plus de l’agrément l’habilitant à exercer ses fonctions, l’autorité territoriale a donc prononcé son licenciement et sa radiation des effectifs de la Ville. Le requérant demandait au Tribunal l’annulation de cette décision, au motif notamment que la Ville avait commis une erreur manifeste d’appréciation.

La solution retenue par le juge administratif est conforme aux précédents jurisprudentiels ci-avant évoqués, puisque le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rappelé que les dispositions de l’article L.412-49 du code des communes accordent au maire la faculté de rechercher les possibilités de reclassement dans un autre cadre d’emplois de l’agent de police municipale dont l’agrément a été retiré et qui n’a fait l’objet ni d’une mesure disciplinaire d’éviction du service ni d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, mais qu’elles n’instituent pas, en revanche, au bénéfice des agents de police municipale un droit à être reclassé.

En l’espèce, le Tribunal a relevé que le maire pouvait légitiment s’abstenir de proposer une solution de reclassement à l’intéressé et donc prononcer son licenciement en se fondant sur l’intérêt du service, ici justifié par la circonstance que les faits pour lesquels il avait été mis en examen étaient particulièrement graves et ce, d’autant qu’à la date de la mesure litigieuse, une partie des faits reprochés était avérée et que les postes vacants nécessitaient un contact avec le jeune public ou niveau dont le requérant ne disposait pas.

Partant, le Tribunal a considéré que c’était sans commettre la moindre erreur manifeste d’appréciation que la Ville avait prononcé le licenciement de l’agent.

Jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ->