L’Assemblée nationale vote la réforme des outils de reconnaissance de la performance professionnelle (articles 12, 13 et 14)

Axel Glock | | 20 mai 2019
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L’article 12 du projet de loi généralise l’évaluation individuelle en lieu et place de la notation dans les trois versants de la fonction publique.

La notation des fonctionnaires est prévue par l’article 17 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Elle constitue historiquement le principal mode d’évaluation de la valeur professionnelle des fonctionnaires par leurs supérieurs hiérarchiques.

La loi n° 2007-148 du 2 février 2007 et la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 ont expérimenté respectivement dans la fonction publique de l’État et dans la fonction publique territoriale le recours à l’entretien professionnel en lieu et place de la notation, avant sa pérennisation en 2012 pour les fonctionnaires de l’État et en 2014 dans pour les fonctionnaires territoriaux. L’article 55 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction actuelle, permet toutefois à certains corps de l’Etat de pouvoir déroger au principe de l’entretien professionnel et de garder le système de la notation. En réalité, la moitié de la fonction publique de l’Etat (les enseignants des premiers et seconds degrés ainsi que les conseillers principaux d’éducation représentant à eux seuls environ 800 000 agents) se trouve ainsi soustrait au droit commun de la procédure de l’entretien professionnel.

Au sein de la fonction publique hospitalière, l’expérimentation d’un entretien professionnel a été mise en œuvre par la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 et s’est déroulée entre 2011 et 2013. Ses résultats se sont révélés décevants. En conséquence, le versant hospitalier utilise encore aujourd’hui la notation en tant que modalité d’évaluation professionnelle des agents.

L’article 12 du projet de loi, voté en séance sans modification, consacre l’entretien professionnel comme le mode d’évaluation de droit commun au sein des trois versants. Outre le toilettage de diverses dispositions faisant référence à la notation dans chaque loi statutaire, la modification la plus substantielle consiste en la réécriture de l’article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. L’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde en principe sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct, mais les statuts particuliers pourront prévoir des modalités différentes d’appréciation de la valeur professionnelle des agents, afin de prendre en compte les spécificités propres à certains corps de fonctionnaires.

Au final, selon l’étude d’impact du projet de loi, près des 4/5 des 5,45 millions de fonctionnaires seront dans le champ de l’entretien professionnel généralisé.

Enfin, dans un objectif de simplification, l’article 12 permet aussi d’aligner les attributions des CAP des trois versants sur celles de l’Etat en supprimant l’automaticité de la transmission des comptes rendus d’entretiens professionnels et en limitant leur saisine aux seules demandes individuelles de révision.

 L’article 13 du projet de loi sécurise la rémunération des agents contractuels recrutés sur emplois permanents.

Les critères pris en compte pour la détermination de la rémunération des agents contractuels de l’Etat et des établissements hospitaliers – fonctions exercées, qualification requise pour leur exercice, expérience, résultats professionnels et résultats collectifs –  sont actuellement déterminés par le pouvoir réglementaire :

  • Le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 pour les agents contractuels recrutés par l’Etat (article 1-3) ;
  • Le décret n° 91-155 du 6 février 1991 pour les agents contractuels recrutés par les établissements hospitaliers (article 1-2) ;

Les agents contractuels de l’Etat et des établissements hospitaliers ne disposent donc actuellement d’aucune garantie légale quant aux grands principes déterminant leur rémunération, à la différence de celle des agents contractuels des collectivités territoriales (régie par l’article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984).

L’article 13 du projet de loi insère donc à l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui fixe les principes de rémunération des fonctionnaires, un 2ème aliéna ainsi rédigé :

 « La rémunération des agents contractuels est fixée par l’autorité compétente en tenant compte des fonctions exercées, de la qualification requise pour leur exercice et de l’expérience de ces agents. Elle peut tenir compte de leurs résultats professionnels et des résultats collectifs du service ».

Les principes encadrant la rémunération des agents contractuels dans l’ensemble de la fonction publique, qui pourra prendre en compte les résultats professionnels individuels ou collectifs, sont ainsi insérés dans la loi statutaire dans un article de principe qui constituera la base juridique sur laquelle s’appuieront désormais les dispositions législatives ou réglementaires applicables dans chaque versant.

Enfin, l’article 13 modifie la rédaction des dispositions de l’article 78-1 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière afin de rendre applicables les primes d’intéressement collectifs dans la fonction publique hospitalière, dans des conditions qui seront précisées par décret.

Pour mémoire, l’intéressement collectif a été introduit dans la fonction publique par la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, modifiant l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, lequel prévoit que « les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services ».

Le décret n° 2011-1038 du 29 août 2011 et le décret n° 2012-624 du 3 mai 2012 déterminent, respectivement pour la fonction publique de l’Etat et pour la fonction publique territoriale, le cadre de la prime d’intéressement à la performance collective susceptible d’être versée aux agents titulaires et non-titulaires, selon la fixation d’objectifs et d’indicateurs.

L’article 78-1 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986  n’a pas pu, quant à lui, être mise en oeuvre en raison de la difficulté à déterminer des critères homogènes d’attribution de l’intéressement pour les différents types de services rencontrés au sein des établissements.

La stratégie de transformation du système de santé, dont les principales mesures figurent dans « Ma santé 2022», fixe notamment l’objectif tendant à « favoriser les mécanismes de reconnaissance collective » par la «création d’un dispositif d’intéressement collectif » incitant au développement « de projets d’amélioration de la qualité de service ». Cette nouvelle notion de qualité de service va permettre de définir plus précisément les critères sur lesquels fonder l’intéressement collectif, lesquels seront précisés par voie réglementaire.

L’article 14 réforme les procédures d’avancement et de promotion au choix en supprimant la compétence consultative des CAP et en instituant une formalisation de la doctrine de gestion des ressources humaines : les « lignes directrices de gestion ».

Les lignes directrices de gestion fixent, dans chaque administration, établissement ou collectivité les orientations générales, d’une part, en matière de mobilité et, d’autre part, en matière de promotion et de valorisation des parcours.

Elles précisent notamment les critères d’appréciation comparée des mérites, expériences et acquis professionnels pris en compte pour l’inscription sur une liste d’aptitude ou sur un tableau d’avancement.

La consultation préalable du comité social de l’administration, du comité social territorial dans la fonction publique territoriale ou du comité social de l’établissement et la communication aux agents de ces lignes directrices permettront de rendre plus explicites, transparents et prévisibles les critères pris en compte en vue d’une promotion de corps ou de grade.

Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, ces lignes directrices de gestion seront invocables devant le juge administratif si un fonctionnaire souhaite contester la validité de décisions prises sur leur fondement. Leur opposabilité permet ainsi de renforcer les garanties dont disposent les fonctionnaires quant à l’examen des décisions affectant leur carrière.

La commission des lois a adopté un amendement de la rapporteure visant à renforcer la portée des lignes directrices de gestion établies par les autorités compétentes au sein des trois versants : les lignes directrices devront ainsi déterminer « la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines dans chaque collectivité et établissement public, notamment en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ». Par cohérence, cet amendement aligne la procédure d’élaboration applicable à la fonction publique de l’Etat sur celle des fonctions publiques territoriale et hospitalière qui prévoit l’avis préalable du comité social sur les lignes directrices de gestion. Un amendement de la rapporteure a enfin précisé qu’un décret en Conseil d’État définira les modalités de consultation des comités sociaux territoriaux des collectivités affiliées au centre de gestion sur les lignes directrices de gestion établies en matière de promotion interne.

Retrouvez notre dossier spécial consacré au Projet de loi de « Transformation de la fonction publique »